À l’approche de la Journée internationale des droits des femmes le 8 mars prochain, le CFA des Universités a choisi de mettre en lumière des histoires inspirantes de jeunes apprenties. En cette ère moderne, où l’agilité et l’innovation sont les maîtres mots, l’idée que certains métiers soient exclusivement réservés aux hommes relève de l’archaïsme. Les femmes sont, et doivent être, des actrices à part entière du changement socioprofessionnel.

 

C’est dans cette perspective que le CFA a donné la parole à 13 apprenties de talent, évoluant avec succès dans des métiers traditionnellement considérés comme des métiers d’hommes. Leurs récits sont le reflet d’une réalité émergente où la diversité et l’égalité des sexes s’installent comme les piliers incontournables d’une société en évolution constante.

 

Qui mieux que nos apprenties pour vous en parler ?

 

Pour ce premier jour de la semaine dédiée au droit de la femme, le CFA des universités s’aventure au cœur des forêts pour aborder la place des femmes dans le milieu forestier. Découvrons ensemble les témoignages de nos apprenties forestières : Lara, Manon et Clémence. Toutes trois vont nous parler de leurs études, leurs vécus et leurs ressentis en tant que femme dans un milieu d’hommes.

 

 

Question 1 : Pouvez-vous nous présenter votre parcours et ce qui vous a motivé à choisir votre formation ?

 

Manon : Issue du monde rural, j’ai été bercée dans un territoire où la nature est source de découverte et de jeux en tout genre (randonnée, cueillette, observation de la faune, construction de cabanes…) J’ai toujours apprécié aider mon père à entretenir nos forêts et récolter le bois de chauffage pour la famille. Au travers de cette enfance et de mes loisirs (apiculture, chasse, pêche, photo animalière), je me suis naturellement orientée dans des études environnementales au travers d’un BTS « Gestion et protection de la nature » puis une licence « Forêt et eau » et enfin le master « Forêt et mobilisation des bois » que je réalise en apprentissage avec l’université d’Orléans.

 

Clémence : Après avoir obtenu un bac Sciences et Techniques de l’Agronomie et du Vivant spécialité Aménagement et Valorisation des Espaces, je me suis tournée vers une licence Sciences de la Vie parcours Biologie des Organismes, des Populations et des Écosystèmes. 

A l’issue de cette licence j’ai fait le choix d’intégrer le Master Agrosciences Environnement Territoires Paysages Forêts parcours Forêt et Mobilisation des Bois, de l’université d’Orléans. La deuxième année de ce master s’effectue exclusivement par la voie de l’apprentissage ; raison pour laquelle depuis septembre 2023, je suis apprentie à l’agence Pyrénées-Gascogne de l’Office National des Forêts (ONF). Je suis basée à Tarbes dans les Hautes-Pyrénées.

La nature est le dénominateur commun à tout mon parcours car c’est le milieu dans lequel j’ai toujours voulu évoluer professionnellement ; c’est pourquoi au fil des années je me suis spécialisée d’abord en biologie puis en écologie et maintenant dans le domaine forestier. Ce Master m’a tout de suite plu car il allie connaissances théoriques et pratiques avec de nombreuses sorties et visites sur le terrain. L’année d’apprentissage offre une expérience professionnelle concrète qui nous permet d’appréhender le monde du travail en entreprise ainsi que la gestion et l’organisation de notre travail. 

 

Lara : Après une licence de psychologie, un service civique dans l’environnement et des sauts de lapin dans le monde agricole, j’ai pris racine dans le monde du bois. Celui où on y côtoie à la croisée des sentiers forestiers une grande diversité d’Hommes, d’Arbres et d’Êtres vivants.

Travailler en tant que gestionnaire forestier, c’est allier la passion pour l’homme et l’environnement, en étant au plus près des challenges du terrain. C’est être actrice d’un monde discret où on s’évertue à concilier production, protection et vivre ensemble.

 

 

Question 2 : Quels défis avez-vous rencontrés en tant qu’apprenties femmes dans ce domaine et quelles sont les réussites qui ont marqué votre parcours ?

 

Manon : Les défis majeurs rencontrés ont été la nécessité de faire ses preuves (démontrer ses connaissances et compétences forestières) d’avantage que des collègues masculins de même niveau. Une fois cette confiance acquise entre professionnels (prouvant d’une certaine égalité), les discours se sont faits plus naturellement et à même statut hiérarchique. Je suis contente d’avoir réussi à me faire une place dans ce domaine plutôt masculin d’un point de vue personnel mais également en représentation des futures jeunes apprenties qui me succèderont.

 

 

Lara : Je ne sais pas si le terme de défi s’applique à mon cas ; en tant que femme, dans cet univers que l’on soupçonne masculin, je m’y suis retrouvée comme un arbre dans la forêt. Bien sûr, il est primordial d’y plonger en étant ouvert à la nouveauté, à l’altérité. Mais c’est ce qui fait la richesse du monde des bois.

 

Clémence : A l’image de ma promotion qui compte 3 filles pour 11 garçons, il est vrai que la part de femmes dans la filière forêt-bois est globalement sous-représentée face à celle des hommes. Notamment en amont de la filière, dans les organismes ou les entreprises gestionnaires de forêt, de travaux forestiers, etc. Bien que les choses tendent à évoluer. En ce sens je suis fière de mon parcours et de l’évolution professionnelle qu’il tend à prendre. Cependant, il ne faut pas en faire une généralité car la part de femmes ayant un niveau ingénieur dans la filière a toujours été plus importante que celle des femmes occupant des postes plus opérationnels comme un poste de technicien.

 

 

Question 3 : Avez-vous une anecdote sur des personnes de votre entourage personnel ou professionnel qui auraient été surprises de votre orientation professionnelle, ou aurait eu des aprioris sur le fait de voir une femme dans cette position ?

 

Manon : Ma mission professionnelle comprend parfois du temps de bureau afin de synthétiser les résultats et pouvoir orienter au mieux mes conseils de gestion. J’ai un jour été confronté à un propriétaire forestier qui arrivant au sein du bâtiment et me voyant avec un ordinateur m’a questionné sur des termes financiers et administratifs. Je lui ai répondu que je n’étais pas en capacité de répondre car je suis ingénieure forestière donc peu renseignée sur les aspects administratifs. Celui-ci m’a répondu naturellement : « Ah bon ? Une femme peut être ingénieure ? D’habitude elles sont plutôt secrétaires. » D’un sourire gêné, j’ai répondu « heureusement la société évolue monsieur, je vous laisse aller voir mon collègue pour vos questions ».

 

Lara : Non, C’était pour tout le monde une évidence. Pour mes grands-parents plus particulièrement. Leur petite-fille des bois, du dehors, qui en ramène toujours plein de trésors. « Ça te ressemble mieux » ont-ils dit.

 

Clémence : Parfois lorsque l’on me pose la question sur mon orientation professionnelle ou que je l’évoque face à des néophytes la réaction première est la curiosité. Bien souvent cette curiosité est positive ; on me pose alors des questions. Bon nombre de personnes admettent et apprécient qu’une femme travaille en forêt. Parfois cela suscite même l’admiration.

 

 

Question 4 : Selon vous, qu’apporte le fait d’être une femme dans ce métier ?

 

Lara : Tellement de choses ! En tant que femme, ou qu’individu ayant poussé comme tel, on débarque en forêt avec tout un panel de complémentarités. Une vision de la forêt, du métier, de la communication, du management. Si j’osais, je dirais même que nous sommes tout à la fois :  Homme, forestier et femme !  Finalement, la forêt a toujours été occupée par les Hommes. Chacun y trouve sa place, naturellement.

 

Clémence : Je ne pense pas qu’être une femme apporte quelque chose de différent dans ce métier ; je pense que c’est surtout le caractère se traduisant par la personnalité et la sensibilité qui permet de nous distinguer les uns des autres et d’apporter une autre vision sur les sujets abordés ; indépendamment de notre sexe. Globalement, on entend souvent que les femmes sont plus minutieuses et rigoureuses dans leur travail ; en ce qui concerne le domaine forestier je ne peux pas dire que j’ai pu observer cela de manière franche.

 

Manon : Le discours est parfois plus simple étant une femme car les hommes osent moins entrer dans le conflit qu’une situation « entre hommes ». Une certaine empathie peut-être présente (lorsque celle-ci n’est pas extrême) amenant fréquemment à des compromis lors de difficultés, tels que lors d’activités très physiques par exemple. Je pense qu’étant une femme, je porte davantage intérêt au bien-être de mes collègues au travers de petites attentions (demandes de nouvelles, services rendus, bonne humeur…) ce qui se traduit par la suite par un lien de cohésion plus fort.

 

Question 5 : En une phrase qu’est-ce qui vous passionne le plus dans votre métier ? Qu’est-ce qui vous rend fière ?

 

Clémence : Mon apprentissage me passionne et chaque jour, je mesure la chance de pouvoir évoluer au plus près du terrain, en forêt et plus particulièrement en forêt de montagne. Je m’épanouis pleinement dans ce milieu et je suis fière d’avoir choisi cette voie professionnelle.

 

Lara : Au risque de me répéter, ce qui me passionne le plus dans ce métier c’est tout ce vivant qui y gravite. Les forestiers (l’Homme), la faune, la flore. Pour œuvrer en faveur de nos écosystèmes, il est primordial de faire partie de cet ensemble d’être vivants qui coexistent dans un biotope, et dont l’organisation et les interactions en font la richesse.

 

Manon : Ce qui me passionne le plus est de rencontrer une grande diversité de personnes ayant des besoins et attendus variés envers leur forêt. Je suis fière d’aller travailler au quotidien avec le sourire et la motivation de rencontrer de nouvelles personnes afin de les guider vers une gestion durable de leur forêt. Je me sens utile à la cause commune de protection des forêts comme bien commun.

 

Question 6 : Quelle est votre vision sur l’égalité homme-femme au travail ?

 

Clémence : A mon sens, il ne devrait pas y avoir de distinction faite sur la base du sexe. Une femme est autant capable qu’un homme quel que soit le métier. Selon moi, cela ne devrait même plus être un sujet en 2024.

 

Manon : L’égalité homme-femme au travail n’est pas encore atteinte mais nous sommes sur la bonne voie. Il y a une réelle prise de conscience visible entre les générations, nous permettant de garder le sourire face aux difficultés restantes et nous rendant fières du parcours accompli et à venir.

 

Lara : L’égalité homme-femme, c’est une histoire de cohabitation entre les Hommes. C’est l’évidence pour tous et toutes des mêmes droits et des mêmes accès. C’est la même sérénité, sécurité à vivre sa vie d’humain dans un environnement que l’on respecte et que l’on préserve collectivement. 

Mais c’est aussi un challenge au long cours, qu’il faut toujours relever. Reprenez votre souffle : on y retourne !

 

 

Question 7 : Y a-t-il des femmes qui vous inspirent dans votre domaine, et quel conseil donnerez-vous à d’autres femmes qui envisagent une carrière similaire ?

 

Manon : Je n’ai pas connaissance de femmes ayant le même parcours que moi mais des hommes ont été et sont ma source d’inspiration. Qu’importe le sexe de la personne qui vous inspire, l’essentiel est de se donner les moyens pour y parvenir. Je sollicite les hommes et femmes à suivre mon parcours qui est à mes yeux passionnant et essentiel à la gestion durable des forêts. Si j’avais un conseil à fournir aux futures femmes, ce serait tout d’abord d’être passionnée par son métier, fière de ses convictions et confiante dans leur prise de décisions afin de rayonner professionnellement et prendre leur place dans ce domaine masculin.

 

Laura : Personnellement, les forestières qui m’inspirent se sont celles du quotidien, que je rencontre au détour d’un sentier : les sylvicultrices, les commerciales du bois, les ingénieures, les conductrices d’engins, les gestionnaires, les responsables d’unités territoriales, les cheffes d’exploitations, de scieries… 

Avis à mes futures collaboratrices ; le forestier est un être passionnant, qui saura s’adapter et évoluer en votre compagnie. N’hésitez plus !

La forêt vous attend, venez vous y retrouver avec votre plus belle énergie de vie.

 

Clémence : Globalement, chaque femme qui évolue dans la filière forêt-bois par passion est une source d’inspiration pour moi, qu’elle soit directrice d’agence, technicienne forestière, conductrice d’engin forestier ou autre ; au même titre que pourrait l’être un homme, finalement.

Les femmes ont tendance à se sous-évaluer elles-mêmes, notamment en matière de capacité physique car c’est avec cet apriori que notre société a évolué et que nous nous sommes construites depuis que nous sommes petites.

Si je pouvais donner ne serait-ce qu’un conseil à d’autres jeunes femmes qui envisagent de se lancer dans un métier forestier, cela serait de ne jamais s’autocensurer face à la crainte de ne pas être à la hauteur physiquement. Si la motivation, l’envie et la passion vous animent, alors vous y arriverez ; que vous soyez un homme ou une femme d’ailleurs !

 

 

Les récits de nos trois apprenties offrent un bel aperçu de la réalité d’être une femme dans le domaine forestier. Leurs expériences témoignent des avancées vers l’égalité homme-femme au travail et des défis qu’elles rencontrent encore aujourd’hui. Même s’il reste un long chemin à parcourir, le monde évolue. Un monde où des femmes comme Lara, Manon et Clémence sont là pour nous rappeler que le genre ne devrait en aucun cas être un obstacle à l’épanouissement professionnel.